OFFICE DE LA CULTURE | 29
Office de la culture
BIENHEUREUSE BRADERIE, VALEUR REFUGE
Il y a les années sans. Mais surtout celles
avec. Une sur deux, et le plaisir de l'été
prolongé. Qu'importe la rentrée scolaire,
puisqu'il y a la Braderie juste derrière. Ces
quelques jours où l'excitation monte en
même temps que les manèges. Où la place
Blarer de Wartensee perd ses repères. Où
les tentacules clignotants des machines à
frayeur atteignent dès le jeudi les fenêtres
pseudo-studieuses du dernier étage. A vrai
dire, ces jours-là, on n'a d'oreille que pour
en bas. Puis, enfin, c'est la fête. Le coup de
canon et la paire de chaussures achetée à
l'ouverture, vendredi 9h, celles dont on n'a
pas besoin mais que l'on portera tout l'hiver
pour la seule et bonne raison que c'était
une affaire. Le premier tour, de jour. La
première cuite, de nuit. Des haltes à ne plus
s'arrêter, des bars à bras tendus pour les retrouvailles.
Et des délices qui collent. Miss
ou pas miss ? C'est à peu près la seule question.
Le reste n'est qu'insouciance, jusqu'au
dimanche. Et cela fait 82 ans que cela dure.
La braderie est un marqueur d'époque,
comme ils disent. Ironie d'une économie
capricieuse, le rendez-vous le plus festif de
Porrentruy est né dans les douleurs d'une
crise. Il fallait alors chercher à écouler les
stocks des commerçants. Peu à peu, la
braderie a célébré une autre réalité économique
: l'exode des enfants et leur retour
aussi éclair que l'artifice du château.
Bienheureuse Braderie, qui, en traversant
le siècle, s'est retrouvée dans le suivant, celui
où terroir, racines et coutumes s'érigent
en valeurs refuge. Prises dans le courant,
les braderies jurassiennes accèdent à la liste
des traditions vivantes de la Confédération
et font désormais partie du patrimoine
culturel immatériel. Nos souvenirs de
gosses épinglés là-haut sur le veston d'Helvétie.
Qui, nous ? Oui, nous. Cela fait tout
drôle, c'est un honneur. Une reconnaissance
du ventre pour cette cité si épiscopalement
belle. Un sacré encouragement pour ceux
qui travaillent toute l'année à notre plaisir
biennal et cherche, chaque deux ans, à le renouveler.
Une grande motivation pour ces
commerçants qui continuent, après la fête,
à animer le pavé et à décorer les vitrines.
Car Porrentruy vit. Même les années sans.
Mais surtout celles avec.
Christine Salvadé,
Cheffe de l'Office de la culture
du canton du Jura
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